Jugement d’allure
Le jugement d’allure permet d’estimer « l’efficacité » générale d’un opérateur, lors d’une prise de temps par chronométrage, par exemple. L’allure 100 est l’allure de référence, celle tenue par un opérateur « moyen » formé et habitué au poste. En pratique, un opérateur peut avoir une allure plus importante (110 par exemple, soit 10% de plus) ou plus faible (85 par exemple, soit 15% de moins).
Utilité du jugement d’allure
Le jugement d’allure permet de calculer un temps standard qui n’est pas tributaire de l’allure particulière d’un opérateur. Ce temps servira à la définition du temps alloué des gammes de fabrication :
Tstandard = Tobservé × JA / 100
Par exemple, pour un temps chronométré à 34 cmin avec une allure jugée à 110, le temps standard correspondant est de 37,4 cmin : un opérateur moyen mettra plus de temps que l’opérateur observé à l’allure 110.
L’allure ne représente pas uniquement la vitesse des mouvements, mais aussi leur efficacité et leur précision (économie de mouvement). Un analyste ne se laissera pas tromper par des mouvements rapides mais désordonnés, qui ne sont pas le signe d’une allure élevée, malgré l’impression de précipitation.
Les allures des opérateurs formés sont souvent comprises entre 80 et 120, qu’un analyste entraîné pourra estimer avec un pas de 5. Une allure inférieure à 80 peut signifier que l’opérateur est encore en phase d’apprentissage, ou qu’il a du mal à tenir son poste. Les initiateurs du concept (voir plus bas) prennent bien soin de préciser que 100 est l’allure moyenne pour un opérateur qui n’est pas particulièrement intéressé au résultat de son travail (rémunération fixe). Si un système de primes est mis en place, les allures auront naturellement tendance à augmenter, et la majorité des opérateurs entraînés auront une allure bien supérieure à l’allure standard.
Le procédé SAM
Le procédé aujourd’hui couramment répandu pour juger une allure est celui développé par la Society for the Advancement of Management, dit procédé SAM. Pour le technicien qui observe l’opérateur, cela consiste à effectuer une estimation globale de l’allure (c’est un jugement) par comparaison avec la représentation qu’il se fait de l’allure 100. L’analyste doit donc être formé, par la pratique d’exercices de jugements, sous la forme de vidéos. Ces exercices doivent être régulièrement renouvelés afin de rester juste dans l’estimation. Un observateur peut initialement avoir tendance à juger sévèrement (l’allure est jugée plus faible qu’elle n’est), ou au contraire généreusement (l’allure est sur-estimée). Les exercices de calibrations permettent de rectifier ce jugement.
Afin de ne pas être tributaire du jugement d’allure, il est possible de ne pas effectuer de mesures directes des temps, et d’utiliser des tables de temps prédéterminés (MTM, MOST, …), dont les valeurs sont toutes définies pour l’allure standard de 100.
Système LMS
Certains chercheurs ont tenté de déduire l’allure à l’aide d’un calcul apparemment plus « objectif ». Au début des années 30, Stewart M. Lowry, Harold B. Maynard et Gustave J. Stegemerten, du Methods Engineering Council, ont ainsi proposé un système de détermination de l’allure à partir de quatre caractéristiques du travail évalué. Ce système a été développé pour aider à la détermination des temps prédéterminés MTM. Il a pris le nom de leurs initiales : le système LMS. Les quatre caractéristiques sont les suivantes :
- Habileté : aptitude naturelle, dextérité dans l’exécution d’une action. Le système distingue six niveaux d’habileté :
- Médiocre : manque de coordination, hésitations, manque de confiance, maladresses, inadaptation
- Acceptable : partiellement entraîné, en partie préparé, gaucherie, peu d’hésitation, quelques erreurs
- Moyenne : confiant, compétent, bonne coordination, bien entraîné, précision correcte, semble lent
- Bonne : pas d’hésitation, rapide, régulier, meilleur que la moyenne
- Excellente : fortes aptitudes naturelles, pas d’erreurs, précis, harmonieux, parfaitement entraîné
- Exceptionnelle : adaptation innée, excellente habileté, difficile à suivre
- Effort : « disposition à travailler », volonté de libérer son énergie. On trouve également six niveaux :
- Médiocre : absence d’intérêt au travail, mouvements inutiles, utilisation intentionnelle d’outils inadaptés
- Acceptable : semble loin de son travail, n’utilise pas toujours les meilleurs outils, manque de prévoyance
- Moyen : travail régulier, quoique apparemment retenu, bonne méthode et bonne attitude
- Bon : Travail rythmique, peu de temps morts, consciencieux et intéressé
- Excellent : travail rapide, satisfait, systématique, économie de mouvement, proactif
- Exceptionnel : activité excessive, qui ne peut être maintenue
- Conditions ambiantes : facteurs extérieurs influant l’activité de l’opérateur. Elles varient de médiocres à idéales, et peuvent souvent de nos jour être considérées comme moyennes.
- Homogénéité : mesure la régularité du travail par analyse de la dispersion des temps mesurés. Elle peut être parfaite, s’il n’y a aucune dispersion, jusqu’à médiocre, quand il y a de fortes variations entre les cycles.
Les auteurs ont proposé une cotation des ces différentes caractéristiques, appuyée sur de nombreuses observations :
Ainsi, un opérateur dotée d’une excellente habileté, faisant preuve d’un effort moyen, dans de bonne conditions ambiantes, avec une homogénéité parfaite aura selon ce système un différentiel de + 9,5 + 0 + 2 + 4 = 15,5 %, soit une allure globale de 115.
Malgré son impression d’objectivité, ou peut-être en raison de cet aspect trompeur, ce système reste peu utilisé.